Résumé de la conférence sur la gestion durable des ressources marines : enjeux pour les pêcheurs africains

Actualités – Africa 21
30 mai 2017  
Par Julien CHAMBOLLE

La gestion durable des ressources marines en Afrique : enjeux pour les pêcheurs africains

Le 30 Mai 2017, s’est tenue à l’Université de Genève, quelques jours avant la grande conférence de l’ONU à New York sur « nos océans, notre futur : partenariat pour l’Objectif de développement durable n°14 », une conférence organisée par Africa 21 sur le thème  de « la gestion durable des ressources marines en Afrique : enjeux pour les pêcheurs africains ».

Dans le cadre de cet événement, David Vivas Eugui, juriste et expert en économie des océans à la CNUCED et Aimee Gonzales, consultante indépendante sur le commerce des produits de la pêche et le développement durable, sont venus partager leurs connaissances et expériences concernant cette thématique.


Thomas Vennen, Vice-président d’Africa 21, a ouvert la conférence par une présentation de l’association. Africa 21 est un think tank et do tank œuvrant pour la mise en œuvre des ODD de l’Agenda 2030 des Nations unies. « On ne veut pas seulement réfléchir mais aussi influencer les choses sur le terrain » explique-t-il, montrant ainsi la complémentarité de ces deux concepts.

L’objectif de la conférence était de souligner l’importance que représentent les océans, et de mettre en avant les enjeux et les opportunités liés au secteur de la pêche. En effet, on sait que les océans recouvrent les trois quarts de la surface de la terre ; ils représentent aussi 99% des espaces de vie disponibles sur terre en volume et plus de 3 milliards de personnes dépendent de la biodiversité marine et côtière pour subvenir à leurs besoins. La gestion durable des ressources marines reflète  donc une importance particulière. Avant de laisser la parole aux experts, Thomas Vennen a conclu son introduction par une citation de Peter Thomson, le 71ème Président de l’Assemblée générale des Nations unies, extraite du magazine « Afrique Renouveau », « les océans traversent une période difficile… La pollution marine nous amène à un point où, d’ici 2050 il y aura plus de plastique dans l’océan que de poissons ».


Davis Vivas Eugui a ensuite pris la parole, se penchant davantage sur l’Objectif 14 de développement durable des Nations unies, « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable», et plus précisément sur le commerce de la pêche (cible 14.4). Il a commencé en se demandant pourquoi il était si compliqué d’agir sur les océans ? « Tout ce qui s’applique aux océans est tridimensionnelle ; de nombreuses organisations et agences travaillent sur le sujet des océans avec chacune différentes compétences (60 au niveau international et encore plus au niveau local). De plus, tout ce que contient l’océan se déplace et rend ainsi difficile toute saisine des juridictions. ».

Au niveau africain, un document a déjà été établi, intitulé « Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050 », contenu dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Ce document décrit les priorités africaines vis à vis des océans visant à «  encourager la création de richesses en provenance des océans et des mers en Afrique en développant une économie bleue durable et florissante… ». L’économie bleue, qui est l’économie liée à l’environnement de l’eau comme les rivières, les lacs, les mers, comprend différents secteurs d’activité tels que la pêche, l’aquaculture, les transports ou encore le tourisme.

« Nous avons atteint la limite », a déclaré David Vivas Eugui, s’appuyant sur une série de graphiques et de données. 90 millions  de tonnes de poisson sont attrapées chaque année couvrant à peine la moitié de la demande ; 31,4 % des stocks halieutiques sont surexploités, 68,6% sont exploités à un niveau biologiquement soutenable, il est donc temps de tirer la sonnette d’alarme. Il existe de nombreuses causes amplifiant le phénomène de surpêche, telle que la pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée (INN), évaluée entre 10 et 23,5 milliards US $ par an. Rien qu’en Afrique de l’Ouest cette dernière s’élève à 1,3 milliard US$. On retient aussi les subventions nuisibles à une gestion raisonnable des ressources, qui créent un climat de concurrence déloyale et des inégalités, notamment en permettant à des flottes de pêche industrielles venant d’Europe ou d’Asie, de venir s’accaparer en très grande quantité la ressource halieutique au détriment des petits pêcheurs locaux aux moyens très limités. Selon la CNUCED, dans le monde, les subventions au secteur de la pêche sont estimées entre 20 et 35 milliards US$ par an, dont 57% sont catégorisées comme négatives, car encourageant la surcapacité d’extraction d’une ressource naturelle déjà très dégradée.  Cela n’est cependant pas sans réponse de la communauté internationale : la CNUCED, la FAO et PNUE ont uni leur forces avec comme objectif la création d’une feuille de route pour la suppression des subventions à la pêche ayant des effets dommageables. Celle-ci étant soutenue par 91 Etats membres et de nombreuses organisations de la société civile. La grande conférence des Nations unies qui se tiendra à New York du 5 au 9 juin 2017 en soutien à la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable 14, vise notamment à identifier les solutions et moyens de soutenir la mise en œuvre de cet objectif, en favorisant des partenariats innovants et en engageant toutes les parties concernées.

Après cette intervention, Aimee T. Gonzales a pris la parole sur le thème « Relancer l’économie de l’Océan Indien Occidental (OIO) ». Selon le WWF, le produit marin brut de cette région est estimé à 20,8 milliards de dollars et ses actifs océaniques s’élèvent à 333,8 milliards de dollars. L’économie de l’OIO est ainsi la 4ème plus importante du monde. Cette zone fait cependant face à de nombreuses pressions, telles que la surpêche, le changement climatique, les changements démographiques, la faible gouvernance, tout cela contribuant au déclin du capital de cet océan.  35% des stocks étudiés dans l’OIO sont exploités au maximum de leur capacité et 28% sont surexploités. Or, ce déclin ne concerne pas seulement les stocks halieutiques mais l’ensemble de l’écosystème marin, que ce soit la perte des mangroves (18% de perte en 25 ans –les mangroves jouent un rôle important dans la reproduction des espèces marines) ou encore les risques concernant les récifs coralliens (entre 71-100% des récifs se trouvent menacés dans les pays de l’OIO).


Mme T. Gonzales a souligné aussi l’importance socio-économique de la pêche artisanale dans cette région. En laissant les petits pêcheurs locaux de côtés, on oublie une grande tranche de population qui dépend de la pêche pour vivre. En effet, la pêche artisanale offre de nombreux emplois, entre 200’000 et 500’000, et cela ne concerne que les emplois directs, il faut aussi prendre en compte les commerçants et les services auxiliaires. Ceci est d’autant plus important que le poisson représente entre 15-50 % des protéines animales dans cette région. Ce n’est donc pas juste le domaine économique qui est à prendre en considération, il faut aussi tenir compte des conséquences sociales et sanitaires.

Les défis à relever sont donc nombreux, et  la réglementation  et les bonnes pratiques de la pêche sont un point crucial de la gestion durable des ressources marines. Ainsi pour protéger nos océans, il est primordial de mettre en œuvre efficacement l’objectif de développement durable 14 en mettant en place des mesures conjointes et concrètes au niveau national, régional et international.


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Les présentations des panélistes sont disponibles ici :

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